Refus de rapatriement de Français retenus dans le nord-est de la Syrie : le juge administratif admet sa compétence en cas de circonstances exceptionnelles

Décision de justice
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Par 4 arrêts du 27 février 2025, la cour administrative d’appel de Paris accepte de contrôler, dans la stricte mesure imposée par la Cour européenne des droits de l’homme, le refus du Gouvernement français de rapatrier des Français détenus dans des camps ou des prisons dans le nord-est de la Syrie.

La cour administrative d’appel de Paris était saisie de six appels concernant des Français - ou leurs enfants - partis en Syrie entre 2014 et 2016 pour rejoindre la zone alors contrôlée par l’organisation terroriste État islamique, et désormais détenus dans des camps ou des prisons dans le nord-est de la Syrie, sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes.

Le juge administratif considère traditionnellement que de telles décisions sont indissociables de la conduite des relations internationales de la France et ne peuvent faire l’objet d’aucun contrôle juridictionnel.

Toutefois, des requérants avaient critiqué cette position devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui leur avait donné partiellement raison. Par un arrêt du 14 septembre 2022, elle avait jugé qu’en présence de circonstances exceptionnelles, le rejet d’une demande de retour sur le territoire français devait pouvoir faire l’objet d’un examen par un organe indépendant, permettant notamment de vérifier la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants et leur particulière vulnérabilité.

La cour administrative d’appel de Paris tire les conséquences de cet arrêt.

Dans le cas de trois hommes partis volontairement en Syrie pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique, à l’âge de 18, 21 ou 31 ans, et faisant d’ailleurs l’objet de mandats d’arrêt pour des faits d’association de malfaiteurs terroriste, elle juge que leur situation, en dépit des conditions de détention invoquées, ne relève pas de circonstances exceptionnelles telles que les entend la Cour européenne des droits de l’homme. Elle se refuse dès lors à tout contrôle de la décision du ministre des affaires étrangères rejetant leur demande de rapatriement.

En revanche, elle admet sa compétence pour juger de la demande de rapatriement d’une femme et de ses quatre enfants nés entre 2010 et 2018 et retenus dans le camp de Roj depuis 2018, dans des conditions de dénuement, d’insalubrité et d’insécurité extrêmes, compte tenu des menaces directes pesant sur l’intégrité physique et la vie des enfants, qui se trouvent placés dans une situation de grande vulnérabilité.

Elle précise que son contrôle peut s’étendre à l’existence de motifs légitimes et raisonnables dépourvus d’arbitraire propres à justifier la décision et sur la communication de ces motifs au demandeur. Dans ce cadre, le juge peut tenir compte de considérations impérieuses d’intérêt public et de difficultés d’ordre juridique, diplomatique et matériel que les autorités exécutives pourraient légitimement invoquer.

Toutefois, la cour rejette la requête, car celle-ci critiquait seulement la compétence de la directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire pour prendre le refus attaqué et la circonstance que la demande avait, dans un premier temps, fait l’objet d’une décision implicite, donc non motivée, alors qu’une décision explicite avait été prise ensuite.

Enfin, deux derniers appels concernaient, pour l’un, deux sœurs emmenées enfants en Syrie par leur mère et, pour l’autre, une mère et ses deux enfants. Tous ont fait l’objet de rapatriements en 2023 et les requérants se sont désistés juste avant l’audience.

Lire les arrêts du 27 février 2025 nos 23PA04014, 23PA05180, 23PA05213 et 23PA05354.