La Cour reconnaît la responsabilité de l’Etat dans l’existence d’un préjudice écologique résultant de l’usage des produits phytopharmaceutiques

Décision de justice
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Par un arrêt du 3 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Paris juge que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a commis une faute en ne procédant pas à l’évaluation des produits phytopharmaceutiques au vu du dernier état des connaissances scientifiques. En conséquence, la Cour ordonne à l’Etat de mettre en œuvre une évaluation conforme aux exigences requises et de procéder, dans un délai de vingt-quatre mois, à un réexamen des autorisations de mise sur le marché déjà délivrées.

Saisi par des associations de protection de l’environnement, le tribunal administratif de Paris avait reconnu, par un jugement du 29 juin 2023, l’existence d’un préjudice écologique résultant, du fait de l’usage des produits phytopharmaceutiques, de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de ces produits, du déclin de la biodiversité et de la biomasse et de l’atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement. Il avait en outre jugé ce préjudice imputable à des fautes commises par l’Etat.

Saisie de plusieurs appels contre ce jugement, la Cour admet elle aussi la possibilité d’une action en réparation du préjudice écologique dirigée contre l’administration devant le juge administratif, sur le fondement des articles 1246 à 1248 du code civil, bien que ces articles ne prévoient pas expressément une telle action contre l’Etat.

La Cour reconnaît ensuite l’existence d’un tel préjudice, apprécié notamment dans sa dimension relative à la santé humaine, et juge qu’il résulte de l’usage des produits phytopharmaceutiques, même si d’autres facteurs peuvent intervenir.  

La Cour examine enfin si ce préjudice peut être lié à des manquements de l’Etat. Elle écarte plusieurs fautes invoquées par les associations, en particulier celle qui aurait consisté pour l’Etat à ne pas avoir respecté la trajectoire prévue par les plans Ecophyto : elle considère en effet que les objectifs chiffrés de réduction de l’usage de pesticides fixés par ces plans n’ont pas de caractère contraignant. Elle juge en revanche que l’ANSES, dans sa mission d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques réalisée au nom de l’Etat, aurait dû se prononcer au regard du dernier état des connaissances scientifiques et techniques, ce qu’elle n’a pas fait systématiquement. Certes, la réglementation européenne qui régit ce domaine permet de se référer aux documents d’orientation, émanant de la Commission européenne, disponibles au moment de la demande d’autorisation ; mais, ainsi que le juge la Cour de justice de l’Union européenne, si ces documents ne reflètent plus suffisamment l’état actuel des connaissances, les Etats doivent fonder l’évaluation des produits sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les plus récentes.

En conséquence, la cour administrative d’appel de Paris ordonne à l’Etat de mettre en œuvre une évaluation conforme aux exigences requises, en particulier s’agissant des espèces non ciblées, c’est-à-dire à celles qui ne sont pas visées par le produit, et de procéder, dans un délai de vingt-quatre mois, à un réexamen des autorisations de mise sur le marché déjà délivrées. La Cour condamne en outre l’Etat à verser un euro symbolique à chacune des associations requérantes au titre du préjudice moral subi.

Lire les arrêts nos 23PA03881, n° 23PA03883, n° 23PA03895