La Cour confirme la légalité de l’interdiction d’une revue en prison, du fait de propos diffamatoires à l’égard des agents pénitentiaires

Décision de justice
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L’administration pénitentiaire avait interdit l’accès des détenus à deux numéros du journal l’Envolée de mai et novembre 2022, au motif qu’ils comportaient des propos diffamatoires. Par deux arrêts du 10 octobre 2025, la Cour administrative d’appel de Paris confirme la possibilité pour l’administration de prononcer elle-même une telle interdiction sous le contrôle du juge administratif. Elle juge aussi que, même si certains des propos avaient pu être tenus à l’occasion d’un procès, la façon dont ils étaient repris et les généralisations qui étaient faites conduisaient bien à leur reconnaître un caractère diffamatoire, justifiant l’interdiction.

La loi pénitentiaire de 2009 a posé le principe de l’accès des détenus à l’information, écrite ou audiovisuelle. Elle permet toutefois à l’administration d’interdire l'accès des détenus aux publications « contenant des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l'encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues ».

Sur ce fondement, l’administration pénitentiaire a interdit l’accès des détenus à deux numéros du journal l’Envolée de mai et novembre 2022.

La Cour administrative d’appel de Paris a d’abord rappelé que c’est le législateur qui avait choisi de donner à l’administration ce pouvoir d’interdire certaines publications, du fait de leur caractère diffamatoire. Par conséquent, il n’y avait aucun détournement de procédure de la part de l’administration pénitentiaire à avoir pris les décisions critiquées, sans saisine préalable du juge judiciaire sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La Cour a ensuite procédé au contrôle du caractère diffamatoire ou non des propos que contenait le journal. A cette occasion, elle a considéré qu’il lui revenait d’apprécier ce caractère en retenant la définition donnée par la loi de 1881, selon laquelle « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». Or, en vertu d’une jurisprudence ancienne et constante, des imputations peuvent être diffamatoires même si les faits sont exacts : le caractère diffamatoire peut également résulter de la portée qui est donnée à ces faits ou de la manière dont ils sont relatés.

S’agissant de la revue en cause en cause, la directrice de la publication faisait valoir que les articles reprenaient des propos tenus à l’audience du tribunal correctionnel de La Rochelle en 2021, dans le cadre du procès de sept agents pénitentiaires impliqués dans le décès d’un détenu à la maison centrale de Saint-Martin de Ré le 9 août 2016, et judiciairement établis. Toutefois, même si certains des propos avaient pu être tenus lors du procès, ils étaient repris en des termes manifestement excessifs, sans aucune prudence ou nuance, donnant l’impression, voire affirmant que la formation des personnels pénitentiaires incluait des techniques destinées à exercer des violences telles que celles à l’origine du décès de ce détenu.

Dans ces conditions, la Cour a jugé, comme le tribunal administratif, que la revue contenait bien des propos diffamatoires à l’égard des personnels pénitentiaires et que l’administration avait pu légalement prendre une décision interdisant l’accès des détenus aux deux numéros en cause.

Lire les arrêts nos 25PA02460 et 25PA02461.