Vente anticipée d’un terrain supportant un lieu de culte : une commune ne peut pas accorder des facilités de paiement à titre gratuit.

Décision de justice
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La cour administrative d’appel de Paris juge qu’une commune peut résilier un bail emphytéotique avant son terme, pour permettre à une association cultuelle de devenir propriétaire d’un terrain et d’un édifice cultuel, mais que la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat lui interdit d’accorder des facilités de paiement à titre gratuit.

La commune de Bagnolet avait conclu en juillet 2005 un bail emphytéotique avec l’association de bienfaisance et de fraternité de Bagnolet, association cultuelle, pour permettre l’édification d’une mosquée sur un terrain communal. Ce type de bail permet de louer un terrain pour une somme très modique pendant une longue période, moyennant quoi la collectivité territoriale devient propriétaire, en fin de bail, de l’édifice construit sur le terrain. La loi permet aux collectivités publiques de conclure un tel bail pour faciliter la construction d’un lieu de culte, dérogeant ainsi à la loi de 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

Par une délibération d’avril 2019, la commune a décidé de résilier le bail avant son terme et autorisé la vente du terrain à l’association. Elle a fixé le prix conformément au montant évalué par le service des domaines, tenant compte à la fois du prix du terrain et de la valeur de la renonciation à la propriété du bâtiment en fin de bail. Elle a toutefois accordé une facilité de paiement à l’association, en prévoyant qu’un peu plus du quart du prix total serait versé de façon échelonnée sur quatre ans, sans intérêt.

Par un arrêt rendu public ce jour, la cour administrative d’appel de Paris confirme l’annulation de cette délibération, prononcée par le tribunal administratif de Montreuil. La cour se fonde, principalement, sur la méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

Cette loi permet seulement aux collectivités publiques de financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices cultuels dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires en 1905, ou d’accorder des concours pour des travaux de réparation d’édifices cultuels. Le principe reste l’interdiction d’apporter une aide à l’exercice d’un culte. Les collectivités publiques ne peuvent donc, hormis par le biais d’un bail emphytéotique, apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels.

La Cour précise que la loi de 1905 ne fait pas obstacle à la résiliation anticipée du bail emphytéotique conclu avec l’ABFB en vue de l’édification d’une mosquée. En revanche, elle juge que les conditions financières du dénouement du bail doivent respecter cette loi, excluant toute aide directe ou indirecte à un culte.

Les facilités de paiement consenties par la commune de Bagnolet équivalaient à l’octroi d’un prêt sans intérêt. Or la commune n’avait pas démontré que cet avantage avait été pris en compte dans le calcul du prix de vente du terrain et de la valeur de la renonciation à la propriété de l’édifice en fin de bail. La Cour en déduit que la commune doit être regardée comme ayant versé à une association cultuelle une subvention interdite par la loi du 9 décembre 1905, et confirme ainsi l’annulation de la délibération du conseil municipal.

Lire l'arrêt n°22PA02509 du 22 septembre 2023