La Cour administrative d’appel de Paris rejette la requête formée par le mandataire liquidateur de la société AOM Liberté tendant à ce qu’elle soit indemnisée par l’État en raison du préjudice subi du fait de l’octroi à cette société d’aides ayant eu pour effet de prolonger son activité et, ainsi, d’aggraver son passif alors que sa situation était déjà irrémédiablement compromise à la date d’attribution de ces aides.
Par un jugement du 19 juin 2001, le Tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre des sociétés AOM Air Liberté, Air Liberté, Minerve Antilles Guyane, TAT European Airlines, Hotavia Restauration Services HRS et Air Liberté industrie. Par un jugement du 27 juillet 2001, ce même tribunal a arrêté le plan de cession de ces sociétés au profit de la société Holco, avant de décider, par un jugement du 1er août 2001, d’homologuer le protocole transactionnel signé les 31 juillet et 1er août 2001 par les sociétés Holco et Swissair. La société Holco a créé la société d’exploitation AOM Air Liberté pour assurer la reprise des activités des sociétés qu’elle détenait. Confrontée à la défaillance du groupe Swissair à lui verser l’intégralité des fonds dont le versement avait été prévu par le protocole transactionnel, la société d’exploitation AOM Air Liberté a sollicité l’aide des pouvoirs publics afin de réunir les sommes nécessaires au financement de son plan de restructuration. L’Etat est intervenu au soutien de la société d’exploitation AOM Air Liberté en lui octroyant un prêt d’une durée de six mois à partir de ressources de l’Etat. Le montant de ce prêt a ensuite été augmenté et sa durée a été prolongée de huit mois. La société d’exploitation AOM Air Liberté a également bénéficié d’un moratoire sur le passif constitué par les cotisations sociales qu’elle devait verser aux URSSAF ainsi que d’un moratoire sur les taxes et redevances aéroportuaires. Les difficultés financières de la société AOM Air Liberté persistant, sa licence d’exploitation de transporteur aérien lui a ensuite été retirée. Par un jugement du 17 février 2003, le Tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société d’exploitation AOM Air Liberté et a désigné deux mandataires liquidateurs. Par un jugement en date du 25 juin 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la requête présentée par les mandataires liquidateurs de la société d’exploitation AOM Air Liberté, agissant au nom et pour le compte des créanciers de la société, aux fins de condamnation de l’Etat à les indemniser en raison du préjudice subi, lié au fait que les aides accordées par l’Etat ont eu pour effet de prolonger l’activité de la société d’exploitation AOM Air Liberté et, ainsi, d’aggraver son passif, alors que la situation de la société était déjà irrémédiablement compromise aux dates d’attribution de ces aides.
Le mandataire liquidateur de la société invoquait à la fois la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute de l’Etat.
S’agissant de la responsabilité pour faute, la Cour rejette les moyens dirigés contre le jugement du tribunal en tant qu’il avait jugé que le préjudice consistant en l’aggravation du passif de la société au détriment de ses créanciers n’était pas en lien direct avec la faute qui a consisté à mettre en œuvre les aides sans les avoir notifiées à la Commission en méconnaissance du droit de l’union européenne. Par ailleurs, la Cour précise les conditions de l’engagement de la responsabilité pour faute de la puissance publique du fait d’aides, notamment de nature financière, apportées à une entreprise privée par une personne publique qui auraient, en permettant à l’entreprise de poursuivre son activité alors même que sa situation économique aurait été irrémédiablement compromise, contribué à creuser le passif de l’entreprise. Elle juge qu’une telle responsabilité ne peut être engagée que dans l’hypothèse où l’entreprise n’était pas à même de refuser ces aides, en raison notamment d’une contrainte exercée à son encontre, d’un dol ou d’une immixtion caractérisée dans sa gestion, ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours étaient disproportionnées à ceux-ci. Elle juge qu’aucun élément du dossier ne conduisait à estimer que la société AOM Air Liberté, qui, à l'époque, sollicitait évidemment les aides en cause, se soit trouvée dans la situation ainsi visée d'une société qui aurait souhaité les refuser et aurait été contrainte de les accepter en raison du comportement de la puissance publique elle-même. Les conclusions de la requête présentées sur le terrain de la responsabilité pour faute ont donc été rejetées.
S’agissant de la responsabilité sans faute, la Cour juge que la responsabilité d’une personne publique ne peut être engagée sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques, du fait de l’octroi d’une aide à une société mise en liquidation et des conséquences qui en ont résulté, notamment l’aggravation du passif de la société, dès lors que l’octroi de l’aide n’a pas, par lui-même, pour effet de faire supporter une charge à la société ni, en tout état de cause, aux créanciers de cette société. Elle rejette donc les conclusions de la requête sur le terrain de la responsabilité sans faute.