La cour administrative d’appel de Paris annule la décision prise par le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration de bloquer l’accès à son compte twitter d’un utilisateur qui avait critiqué l’efficacité du service rendu en des termes dénués de caractère diffamatoire ou injurieux.
L’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) a un compte sur Twitter, sur lequel il est très actif. En janvier 2019, à la suite de commentaires réagissant à ses propres publications, il a bloqué l’accès à son compte du compte twitter d’un responsable de la Cimade, coordinateur national sur les questions d’asile au sein de cette association depuis 2006 et présent, à titre personnel, sur le réseau social.
Par une décision rendue ce jour, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé la décision du directeur général de l’OFII. Elle a relevé, tout d’abord, que l’OFII avait fait le choix d’une politique active de communication sur Twitter, qui ne se limitait pas à la publication d’informations mais consistait aussi à réagir aux commentaires des autres utilisateurs, y compris parfois sous la forme d’interpellations. Elle a ensuite estimé que le commentaire à l’origine du blocage de l’accès au compte twitter (« Dix personnes qui reçoivent les appels et distribuent 263 rendez-vous en trois minutes en moyenne, cela fait une heure et demie de travail. Alors pourquoi des personnes doivent-elles attendre deux heures avant de joindre la plate-forme et ne pas toujours obtenir satisfaction ? ») était rédigé en des termes certes polémiques mais dénués de caractère diffamatoire ou injurieux. Elle a considéré qu’il n’excédait pas les limites du droit à la libre critique de l’action de la puissance publique dans une société démocratique. La décision de blocage de l’accès au compte présentait dès lors un caractère disproportionné et portait ainsi atteinte au droit à la liberté d’expression et de communication garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la convention européenne des droits de l’homme et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Ainsi que le juge la Cour, le choix d’une politique active sur les réseaux sociaux pour y participer au débat public fait peser des obligations particulières sur l’administration. Si la protection de l’ordre public et de la réputation d’autrui, y compris la protection des agents, ainsi que le respect des obligations découlant pour l’administration de sa qualité de responsable des contenus publiés, au regard notamment du droit pénal, sont évidemment des objectifs légitimes, les mesures qu’elle prend doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à ces objectifs.
Lire l'arrêt n°21PA00815 du 27 mars 2023