La Cour administrative d’appel de Paris reconnaît la responsabilité de l’Etat dans la constitution d’un stock insuffisant de masques avant la pandémie de covid-19 et dans la communication gouvernementale sur le port du masque au début de la pandémie.
Par des arrêts du 6 octobre 2023, la Cour juge qu’en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène, ce qui l’a conduit à adopter une communication tendant à déconseiller le port du masque pour les personnes asymptomatiques, l’Etat a commis une faute. Elle admet la possibilité d’une indemnisation partielle pour les personnes qui ont été plus particulièrement exposées au risque de contamination sans pouvoir maintenir de distances physiques avec les personnes potentiellement contagieuses.
La Cour administrative d’appel de Paris juge que l’Etat a commis une faute en ne maintenant pas à un niveau suffisant un stock de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène. Elle relève que le risque d’émergence d’un agent pathogène respiratoire à l’origine d’une pandémie était connu, de même que le rôle protecteur du port du masque. Elle constate que si un stock très important de masques existait en 2009, aucune commande de masques FFP2 n’avait été passée après 2011, ni de masques chirurgicaux après 2013 et jusqu’en 2019, les masques périmés n’étant ainsi pas renouvelés. Enfin, la décision prise en 2018 de constituer un stock plus faible ne s’était pas accompagnée de l’évaluation des stocks des hôpitaux et des capacités de production et d’approvisionnement susceptibles d’être mobilisées en cas de menace sanitaire grave.
La Cour juge également que l’Etat a commis une faute dans la communication gouvernementale sur l’utilité du port du masque en début d’épidémie, en ne se contentant pas d’expliquer que les masques devaient être réservés aux personnes qui en avaient le plus besoin, mais en affirmant que le port du masque était inutile en l’absence de symptômes.
En revanche, sur les autres questions soulevées par les requérants, la Cour ne retient pas de faute de l’Etat, notamment en ce qui concerne la date du premier confinement et le dépistage des personnes présentant des symptômes.
Compte tenu de la difficulté à prouver l’origine exacte de la contamination, la Cour reconnaît un droit à réparation partielle pour les personnes qui, sans qu’un comportement à risque puisse leur être reproché, ont été particulièrement exposées au virus, notamment du fait de leur profession, alors qu’elles ne pouvaient maintenir des distances physiques avec les personnes potentiellement contagieuses.
A ce titre, elle indemnise en particulier la veuve et les enfants d’un médecin généraliste qui, en mars 2020, a reçu à son cabinet en Seine-Saint-Denis de très nombreux patients, dont certains porteurs du virus, sans avoir pu se procurer de masques, et est décédé de la covid-19 en avril 2020.
Lire l'arrêt 22PA03879, lire l'arrêt 22PA03991, lire l'arrêt 22PA03993