Le tribunal était saisi par deux associations de protection de l’environnement, les Amis de la Terre et Préservons la Vallée de Clairvaux, contre l’arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de l’Aube avait autorisé la SARL Jean Poirier à exploiter une centrale d’enrobage à chaud de granulats sur le territoire de la commune de la Ville-sous-la-Ferté.
De telles installations, soumises au régime de la déclaration, sont régies par un arrêté ministériel du 9 avril 2019, qui fixe des prescriptions générales en vue de la protection de l’environnement, qui peuvent être complétées par des prescriptions particulières du préfet en fonction des caractéristiques propres de chaque centrale et de la configuration des lieux.Le juge administratif doit s’assurer que l’ensemble de ces prescriptions permet de prévenir les dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, à savoir la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.Par un jugement du 25 février 2022, le tribunal considéra tout d’abord qu’alors que l’étude d’impact avait indiqué que des émanations odorantes de goudron étaient susceptibles de porter atteinte à la commodité du voisinage, aucune évaluation n’avait été faite de leur intensité et de leur diffusion, alors que de habitations se situaient à quelques centaines de mètres.Par ailleurs, le tribunal releva que les hydrocarbures déposés par les véhicules circulant sur le site, les dépôts de matières en suspension émanant du poste d’enrobage, les eaux d’incendie ou les déversements accidentels de bitume étaient susceptibles de polluer les eaux de ruissellement. Or, celles-ci devaient se déverser dans un bassin de rétention, qui, une fois plein, allait se déverser dans un fossé en contrebas, sans qu’aucun dispositif de filtrage, notamment de séparation des hydrocarbures, ne soit prévu. Aucune précision n’était non plus apportée quant aux capacités épuratoires du dispositif de filtrage des eaux prévu à la sortie de la station-service et de l’aire de lavage des véhicules, ce alors que l’autorité environnementale avait spécifiquement relevé ces lacunes. Le tribunal a ensuite considéré, d’une part, que le dossier ne comportait pas d’étude de la nappe d’eau susceptible d’être impactée par une telle pollution, alors que le projet est situé à proximité de points de captage d’eau potable, et d’autre part, que les mesures de surveillance des eaux étaient insuffisantes.Dans ces conditions, le tribunal a estimé que l’arrêté ne prévoyait pas de mesures complémentaires suffisantes pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, et a ainsi annulé l’autorisation d’exploiter la centrale d’enrobage à chaud.