Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 1ère chambre 22 juillet 2021 M. S., association Nature et Avenir, n°1902100, 1902786, 1903038Quand l’application du droit communautaire en matière d’environnement conduit à écarter le droit national.
Un agriculteur a souhaité créer un élevage industriel de poules pondeuses. Ce projet a été critiqué notamment par un pisciculteur voisin qui invoquait la pollution des eaux résultant de l’exploitation de cette installation qui menaçait ses poissons. L’agriculteur a alors revu son projet en limitant notamment le nombre de poules pondeuses à 30 000, ce qui le conduisait à se placer sous le régime de la déclaration d’une installation classée pour la protection de l’environnement. Les dispositions du code de l’environnement prévoient qu’en-dessous de ce seuil, aucune étude environnementale n’est requise, contrairement à ce qu’il en est pour les installations soumises au régime de l’autorisation ou au régime de l’enregistrement.
Le tribunal a cependant écarté ces dispositions pour faire directement application de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Au regard de la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne, un seuil en-deçà duquel une catégorie de projets est exemptée d’évaluation environnementale n’est compatible avec les objectifs de cette directive que si les projets en cause, compte tenu, d’une part, de leurs caractéristiques, en particulier leur nature et leurs dimensions, d’autre part, de leur localisation, notamment la sensibilité environnementale des zones géographiques qu’ils sont susceptibles d’affecter, et, enfin, de leurs impacts potentiels ne sont pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Le Conseil d’Etat, par une décision du 15 avril 2021, a annulé un décret modifiant sur ce point le code de l’environnement en tant que ce décret ne prévoyait pas d’autre critère que la dimension du projet, et notamment pas la localisation de celui-ci, pour ne pas soumettre ce projet à une évaluation environnementale.
Le tribunal fait une première application concrète de cette solution en relevant que les parcelles concernées par les installations et le plan d’épandage en cause sont en grande majorité situées en zone vulnérable en application de la directive 91/676/ CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles et à proximité immédiate d’une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique. Il relève par ailleurs que la mise en service du poulailler s’est accompagnée d’une forte hausse de la concentration d’azote dans les eaux souterraines. Cela conduit le tribunal à mettre fin à l’exploitation du poulailler, un délai d’un mois étant laissé à l’exploitant pour procéder à l’évacuation des poules.
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